Les romans jeunesse, mieux que des tests de personnalité

J’ai remarqué dans la littérature jeunesse de ces deux dernières décennies un concept récurrent : celui de faire entrer les personnages dans des « cases ».

Je m’explique. L’exemple le plus frappant et le plus connu de cette méthode, ce sont les maisons de Poudlard dans Harry Potter. Les élèves courageux vont à Gryffondor, les studieux à Serdaigle, les loyaux à Poufsouffle, les ambitieux à Serpentard… Qui n’a pas déjà entendu ces noms étranges au moins une fois ?

Penchons-nous à présent sur une série plus récente, mais qui commence aussi à faire parler d’elle avec notamment une adaptation en film prévue cette année : Divergente, une trilogie dystopique de Veronica Roth. Dans cet univers, chaque personne doit faire partie de l’une des cinq factions de la société, sous peine de rejoindre les « Sans Faction » (qui ne sont pas sans me rappeler les Intouchables en Inde). Ces factions sont : Altruiste, Audacieux, Érudit, Sincère et Fraternel, et représentent exactement ce que leurs titres laissent entendre. Comme pour l’admission dans une maison de Poudlard, l’entrée dans une faction dépend donc largement de la personnalité du candidat.

On peut aussi aller voir du côté de Percy Jackson, la série mythologique de Rick Riordan, qui met en scène une colonie pour demi-dieux. Les résidents de la colonie habitent dans des bungalows. Il en existe douze, un pour chaque divinité du panthéon grec majeur, et chacun accueille les rejetons du dieu ou de la déesse auquel il correspond. Bien sûr, comme les résidents d’un bungalow ont tous un parent en commun, ils possèdent aussi des traits généraux : les enfants d’Héphaïstos sont des bricoleurs, ceux d’Athéna cherchent la connaissance, ceux d’Arès sont des bagarreurs et ceux d’Aphrodite se soucient beaucoup de leur apparence.

Je ne crois pas qu’il faille y voir un hasard si ces trois séries sont aujourd’hui assez connues chez les adolescents. Après tout, qu’est-ce que l’adolescence sinon le moment de la vie où on lutte pour définir la personne que l’on devient, où on s’efforce désespérément de comprendre qui l’on est ? Les « catégories de personnalités » présentes dans ces trois romans permettent de simplifier la tâche dans l’esprit du lecteur, de rendre la voie vers l’âge adulte plus claire et moins intimidante qu’elle ne le semblait auparavant.

Qui suis-je ? Je suis une Serdaigle, un Audacieux, un fils d’Hermès. Pouvoir se placer dans une case, c’est rassurant. Cela aide à mieux définir les limites de son être, à apprendre à se connaître. Et après tout, les adultes sont coupables de la même chose : comment expliquer autrement l’intérêt pour les horoscopes basés sur les signes du zodiaque ou le succès des quiz de personnalité qui pullulent dans les magazines ? Fondamentalement, on a tous envie de mieux se comprendre. D’ailleurs, beaucoup d’adultes ont lu les séries que j’ai citées plus haut. 😉

Je peux même en citer une de plus : À la croisée des mondes, de Philip Pullman, et ses très fameux daemons. Chaque humain dans cet univers est accompagné d’une créature animale qui représente rien de moins que son âme. L’apparence du daemon donne donc beaucoup d’indices sur la personnalité du personnage, s’en fait même carrément l’image. Il y a quelque chose de fascinant à se demander quelle forme prendrait notre âme, notre essence, si elle se manifestait ainsi. Ai-je un esprit de faucon, ou de loup ? De chat ou bien d’anguille ? Cela aussi, ce sont des questions qui aident à se cerner.

Mais il manque à La croisée des mondes un second facteur que les trois autres séries possèdent : la notion d’appartenance. Les maisons de Poudlard, les factions de Divergente, les bungalows de la colonie des Sang-Mêlés… Tous incarnent des microcosmes, des familles, une place où les gens partageant certaines caractéristiques majeures se retrouvent entre eux, au sein d’un groupe de personnes susceptibles de mieux les comprendre et les accepter que le reste de la population. Parce que l’adolescence, c’est aussi l’étape de sa vie où l’on cherche sa place dans le monde.

Quoi qu’il en soit, ce concept de catégorisation des personnages m’intéresse beaucoup, tant comme lectrice (j’ai adoré tous ces livres dont je parle ci-dessus) que comme auteur. Je suis sûre que j’écrirai un jour sur un sujet semblable.

Et vous, quel est votre avis sur la question ? Si vous connaissez d’autres romans sur ce modèle, n’hésitez pas à me les citer dans les commentaires, je me ferai un plaisir d’y jeter un coup d’œil !

2 commentaires


  1. C’est intéressant.
    Je n’ai lu aucun des livres que tu cites (tu dois me trouver désespérante 😛 ).
    Cette notion d’appartenance existe évidemment aussi chez les adultes, former un groupe autour de quelque chose de commun est rassurant. Quand j’ai commencé dans la blogo, je me suis d’abord tournée vers les blogs de littérature, quel bonheur de voir que d’autres personnes aimaient les mêmes livres, les mêmes auteurs que moi (dans mon entourage proche, ce n’est pas le cas, je me sentais parfois un peu seule).
    Mais cette catégorisation me fait parfois un peu peur : quand je vois mon homme qui proclame « je suis geek » ou « je fais partie de la communauté geek » – oui, mais tu ne te résumes pas à cela ! A trop mettre dans des cases, on finit par ne plus en sortir.
    Nous en discutions justement il y a quelques jours, au sujet de la musique : ça c’est du metal. Ok. Ça du heavy metal. Ça du dark metal. Ça du death metal, ça du metal industriel et patati et patata.
    Enfin, je pense que je m’égare un peu là… Je ne réponds pas vraiment à ton sujet, navrée.

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    1. Je te rejoins parfaitement sur la musique, je ne comprends rien du tout à toutes ces catégories ! C’est à peine si je sais distinguer la pop du rap, c’est dire… Moi, j’écoute ce qui me plaît, un point c’est tout ; la preuve qu’en effet on peut très bien se passer de cases. Elles ont un rôle rassurant, mais à trop s’y confiner il ne faudrait pas qu’elles deviennent des prisons.

      Je ne te trouve pas désespérante, non, mais si tu as l’occasion de jeter un œil sur ces titres, je te les conseille. 😉 Bien sûr, tout est une question de goût. Merci de ta réponse !

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