Parlons un peu de nos personnages principaux !
Wikipédia définit un anti-héros comme « le personnage central d’une œuvre de fiction qui ne présente pas certaines, voire dans certains cas, aucune des caractéristiques du héros conventionnel ». Par héros conventionnel, on entend le fringant protagoniste, courageux, compétent, sûr de lui, bourré de grands principes comme l’honnêteté, la compassion, la justice… Bref, le beau prince sur son cheval blanc, prêt à partir sauver le monde.
TVTropes.org va plus loin en élargissant le terme d’anti-héros aux personnages secondaires et en en démarquant cinq types distincts :
- Anti-héros classique : Un protagoniste médiocre, pleutre, sans aucune confiance en lui et/ou sans aucun talent particulier.
Exemples : Bilbon, des films Le Hobbit ; Naruto Uzumaki dans le manga Naruto ; Tsunayoshi Sawada du manga Reborn! - Anti-héros Disney : Un personnage possédant à la fois la capacité et le désir de faire le bien, mais différant d’un « vrai » héros par une attitude négative ou cynique.
Exemples : Edward Elric du manga FullMetal Alchemist ; Shrek des films éponymes ; Tron dans la série d’animation TRON: Uprising (excelleeeente série ♥) - Anti-héros pragmatique : Un peu plus sombre que la catégorie précédente, l’anti-héros pragmatique est capable d’accomplir des actions éthiquement contestables pour atteindre ses buts, qui seront pourtant toujours honorables.
Exemple : Albus Dumbledore des livres Harry Potter - Héros sans scrupule : La version extrêmiste de la catégorie précédente. Le héros sans scrupule a de bonnes intentions, mais est prêt à tout, absolument tout pour accomplir ses objectifs. On peut aussi ranger ici les personnages neutres, qui se fichent de faire le bien mais possèdent une sorte de code de l’honneur qui les différencie du cinquième type.
Exemples : Sherlock Holmes des livres, films, séries éponymes ; Sasuke Uchiwa du manga Naruto - Héros nominal : Un héros qui n’en a que le nom. Le héros nominal combat pour le bien, mais presque par hasard, car ses motivations sont tout sauf louables. S’il se joint à un héros plus droit dans ses bottes, il incarne souvent « l’ennemi de mon ennemi ». Ce peut aussi être un « méchant » s’opposant à un méchant encore plus méchant que lui… (Cette phrase est sponsorisée par une école maternelle.)
Exemples : L’Homme Trouble dans le jeu Mass Effect 2 ; un certain personnage important du film Star Trek Into Darkness (j’évite maladroitement les spoilers, mais j’imagine que les esprits éclairés comprennent de qui je parle)
Bref, si on se fie à des définitions aussi diverses, il existe bien plus d’anti-héros dans la fiction moderne que de héros classiques. Et après tout, il faut bien avouer que ces derniers ont tendance à être ennuyeux et fades. Un personnage adhérant à un strict code moral devient prévisible, d’autant plus lorsqu’il habitue son audience à être fort et virtuellement invincible. Comment s’attacher à un héros infaillible ? On ne peut que le placer sur un piédestal et l’admirer comme une idole, un exemple à suivre.
Mais un anti-héros paraîtra toujours plus humain, plus proche de nous, plus sympathique, tout simplement parce qu’il devient possible de compatir à ses épreuves. On se retrouve dans ses défauts, dans ses doutes, dans ses maladresses. On pleure avec lui, on saigne avec lui. L’histoire devient si personnelle que lorsqu’il triomphe, c’est une petite part de nous qui vainc le mal.
Bien sûr, à chacun ses préférences. Pour ma part, je me méfie beaucoup des « anti-héros classiques ». Certains sont de vraies chiffes molles à cause desquels l’histoire traîne des pieds dans ses débuts, et bien qu’ils puissent par la suite devenir attachants, j’aime suivre des personnages avec un peu plus de caractère. Le protagoniste de mon roman Le Dragon blanc, Dimitri, est un héros sans scrupule. Son « rival » Éric, sous ses faux dehors de chevalier en armure, est un anti-héros pragmatique (et le prouve d’ailleurs assez ouvertement). Ce sont ces deux types de personnalités que je préfère écrire.
Et vous, avez-vous un type préféré ? Ou avez-vous plutôt un faible pour les héros bien propres sur eux, ou carrément les méchants ?
[Pour approfondir :
La définition de Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Antih%C3%A9ros
La définition de TVTropes avec exemples dans la fiction (en anglais) : http://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/Main/AntiHero
Les 5 types d’anti-héros selon TVTropes, avec exemples dans la fiction (en anglais) : http://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/Analysis/AntiHero ]
Permaliens
En général, je préfère suivre les aventures de l’anti-héros pragmatique. Le personnage de mon roman appartient d’ailleurs à cette catégorie après être passé peu de temps pas la première (pas taper !). C’est, à mon sens, le genre de personnage le plus crédible. Quelqu’un d’ordinaire qui mène une vie plus ou moins heureuse jusqu’à ce que l’un ou l’autre événement ne le pousse à évoluer. Il ne change pas du tout au tout mais devient un peu plus désabusé en essayant quand même de garder certaines valeurs.
J’aime aussi le héros sans scrupule mais je le considère comme une tablette de chocolat noir 100 %, à savoir que c’est un plaisir rare qui devrait le rester. Le parfait exemple du genre, à mon avis, n’est autre que the Punisher, de Marvel. C’était d’autant plus le cas quand la série était scénarisée par Garth Ennis, qui avait mis de côté tout l’aspect super-héroïque, ce qui laissait un univers et un personnage vraiment sombres, sans espoir et sans pitié.
Ah, et puis, j’aime certains méchants dont le charisme fou éclipse celui du gentil, comme Freddy Krueger, par exemple !
Permaliens
Oh bah oui, un charisme fou, trop trop, à en rêver ! 😛
(pardon dragon, Tom et moi aimons discutailler au sujet de ce sacré Freddy)
Permaliens
Il n’y a pas de mal Olivia, sentez-vous libres de discutailler de ce que vous voulez dans les commentaires ! Je ne me joindrai sans doute pas à vous au sujet de Freddy Krueger, j’avoue que ce n’est pas mon genre de films. 😀
Permaliens
Oh, mais ce n’est pas mon genre non plus ! Je suis bien trop impressionnable pour apprécier les films d’horreur, je passe mon temps cachée derrière un coussin à demander « il est parti ? la scène est finie ? ».
😆
Permaliens
Ah, comme je te comprends ! C’est dur de saisir pourquoi les gens aiment se faire peur pour le plaisir !
Permaliens
Ha ha, mais je ne tape personne ! Quand il est bien dosé, l’anti-héros classique peut être très intéressant, et je suis d’accord pour dire que c’est celui avec lequel on s’identifie le plus facilement. Mais c’est vrai que plus les personnages dégringolent dans l’échelle de valeurs, plus ils doivent être maniés avec talent et parcimonie pour nous charmer.
Permaliens
J’aime encore assez le anti-héro classique mais pour qu’il soit vraiment parfait ce serait avec une dose de anti-héros cynique (on n’a pas dit qu’on ne pouvait pas faire de mélange!). J’aime bien les personnages qui ne veulent pas forcement faire le bien au départ, mais qui sont entrainés là dedans malgré eux et qui garde un certain cynisme sur ce qui leur arrive, généralement pour moi, ça doit s’accompagner d’un humour plus ou moins noir et c’est vraiment ce qui me plait.
Ensuite viendrait le anti héros pragmatique, parce qu’il est forcement intéressant de teinter de noir un héro trop gentil et trop bon!!
Permaliens
C’est vrai que le type de héros que tu décris est très séduisant quand bien écrit. Cela peut donner lieu à des dialogues ou des passages narratifs très savoureux !
Permaliens
Les héros conventionnels ont tendance à m’enquiquiner. Du coup, sans grande surprise, mes personnages, même s’ils sont du côté des « gentils » (enfin, pour la plupart, car mon héroïne principale dans Elle, une autre, est une tueuse en série carrément cinglée), portent une part sombre en eux. Part sombre expliquée par le passé, (comme dans Bleu du bonheur) ou par un élément surnaturel (dans le roman que je rédige actuellement, L’abîme au bout des doigts). Même dans ma comédie romantique (L’étreinte des vagues), mon personnage préféré est la garce de service.
Permaliens
Rien de tel que les personnages contrastés, je te comprends ! Et tu as l’air de te diversifier dans le domaine, en plus. Tu dois beaucoup t’amuser à explorer tous ces profils différents. (La garce de service ! Ha, ça ce n’est pas banal !)
Permaliens
Oh-oh, tu commences aussi à te référer aux tvTropes? J’espère que ton temps libre n’en pâtit pas trop, chère Drago. ^^;
Pour en revenir au sujet, il faut toujours se méfier des étiquettes: le principal intérêt d’un personnage, c’est qu’il évolue au fil de l’histoire. De ce fait, beaucoup d’anti-héros sont le résultat de héros conventionnels ayant traversé de rudes épreuves et remises en question (Sayaka Miki de l’anime « Puella Magi Madoka Magica » ou, pour prendre un exemple extrême, Shiina Tamai du manga « NaruTaru » – manga que je ne recommanderais qu’à ceux au goût prononcé pour la tragédie et l’inutilement gore). Ou, au contraire, certains anti-héros sont amenés à devenir beaucoup plus héroïques au fil de l’histoire (Artemis Fowl de la série de romans éponyme, Neku Sakuraba du jeu « The World Ends With You »).
Je pense que tout est une question de cadre: un héros « conventionnel » garde son intérêt si son héroïsme existe pour contraster avec un univers très sombre, et est perpétuellement mis à l’épreuve (le Professeur Layton des jeux du même nom, ou l’éponyme « Princesse Tutu » – anime que je recommande à tout le monde). Comme tu dis, le lecteur a tendance à les placer sur un piédestal, mais il en ressort une peur de les voir flancher: car si quelque chose peut ébranler Superman, qu’adviendra-t-il de New York?
Et si l’auteur a l’audace de tuer ce genre de personnage, c’est encore le meilleur moyen de souligner le cynisme du scénario. X)
(D’ailleurs, dans le cas des « Enfants de Prométhée », Olympe me semble une héroïne plutôt conventionnelle, et sa naïveté du début contribue grandement à souligner les travers du monde dans lequel elle vit à mesure qu’elle les découvre.)
En outre, avec le succès marqué des anti-héros ces dernières décennies, ces héros dits « conventionnels » se font assez rares, et c’est plutôt agréable de retrouver cette vieille formule lorsqu’elle est exécutée avec talent ou originalité. Mais j’admets volontiers que de tels personnages sont difficiles à écrire de manière intéressante, et je garde en général une nette préférence pour les anti-héros.
Mais surtout, j’aime avoir un groupe de personnages aux éthiques complètement disparates et les regarder interagir, surtout lorsqu’ils sont contraints de coopérer malgré ces différences. (« FullMetal Alchemist » et « Pandora Hearts » pour les manga, « Artemis Fowl » et « Harry Potter » pour les romans, « The World Ends With You » pour les jeux, et bien d’autres.) Cela vaut aussi pour les « méchants », dont les nuances sont parfois aussi marquées que celles de leurs adversaires attitrés. L’intérêt est de voir quels idéaux survivent à l’intrigue.
Quant à ma préférence pour un des types précités… Je prends généralement la version « Anti-Héros » Disney par défaut, et me tourne vers l’une ou l’autre des nuances en fonction de mon humeur du moment. C’est toujours agréable d’entendre un monologue bien cynique quand on est d’humeur irritable, ou un bon vieux discours idéaliste quand on se sent un peu apathique.
Permaliens
Olympe glisse en fait vers un profil d’anti-héroïne classique, dans la mesure où elle ne possède aucun talent qui lui permette vraiment d’agir contre les injustices qu’elle rencontre. Mais en effet, les frontières entre les genres restent poreuses et il va de soi que ce qu’il y a de plus intéressant dans un personnage, c’est souvent son évolution !
Par contre, pour reprendre les héros classiques que tu cites : comme je l’ai déjà dit, le Professeur Layton est typiquement le genre de personnages auquel je suis incapable de m’attacher, trop propret, trop lisse. Princesse Tutu, elle, se distingue par sa dualité avec Ahiru, qui est une anti-héroïne classique (des plus attachantes !). Comme quoi il y a effectivement moyen de toujours utiliser cette vieille formule à bon escient, avec un peu d’originalité.
Quant aux conflits de points de vue… Ah, ça c’est savoureux ! Rien de tel qu’un peu de tension entre alliés pour rajouter du piment !
Permaliens
Bien vu pour Olympe: j’aurais eu tendance à considérer sa télépathie comme un talent particulier, mais dans son univers c’est pratiquement considéré comme la norme, et au vu du contexte elle est particulièrement démunie dans le premier volume. De fait, l’avantage des « anti-héros classiques », c’est que ce sont eux qui évoluent le plus ! Bon choix. 😉
Je savais que je n’aurais pas dû citer Layton, surtout dans la mesure où ma propre interprétation du personnage diffère de celle de la majorité des fans. Mais d’un point de vue objectif, le succès du personnage et des jeux donne à réfléchir sur les formules qui marchent.
Cela dit, tu soulèves un point intéressant: maintenant que j’y pense, la grande majorité des héros conventionnels joue sur cette fameuse dualité dont tu parles. Pour la plupart, ce sont des héros masqués, et derrière l’idéal se cache souvent une personne ordinaire, voire carrément médiocre. (Notamment les super héros et « magical girls », ou tout autre serviteur de la justice oeuvrant sous couvert d’anonymat.) Il paraît souvent impossible de concilier le métier de justicier avec une vie normale.
Au bout du compte, les héros dits conventionnels existent pour interroger sur à quel point on peut approcher un idéal sans se défaire de son humanité.
Et on est bien d’accord pour les tensions entre coéquipiers. X) Je ne sais même pas pourquoi je n’ai pas cité « D.Gray-man » d’ailleurs: avec le recul j’ai l’impression que tout le manga tourne autour de ce thème. Et Allen lui-même fait de louables efforts pour rester un héros conventionnel, le pauvre.
Permaliens
« Au bout du compte, les héros dits conventionnels existent pour interroger sur à quel point on peut approcher un idéal sans se défaire de son humanité. » Bien dit ! Oui, c’est vrai que les « héros masqués » restent un grand classique de la fiction, dont on ne se lasse pas d’ailleurs.
Ha ! Allen est un anti-héros Disney qui passe tout son temps à se déguiser en héros. Quand on parlait de héros masqué ! (Heureusement qu’on a Cross et Kanda pour faire tomber le masque de temps en temps… héhé…)
Permaliens
Permaliens
J’ai donc un héro pur et dur dans mon roman, et un anti-héros tout mignon tout chétif qui veut faire le bien pour le bien en employant des méthodes douteuses.
J’adore les anti-héros et les méchants dans les livres. SI le côté sombre de la force est représenté, et bien représenté, je serai conquise à tous les coups !
Permaliens
Je suis bien d’accord Delphine, ce sont des personnages chers à mon cœur aussi ! Leur personnalité est fascinante quand elle est bien écrite.
Permaliens
Il y a tout de même un gros malentendu, là, à mon avis. C’est qu’il ne s’agit pas du tout de littérature. Shrek, Tron, Harry Potter? Non, on peut dire ceci, qui reçoit l’aval de tous les concepteurs contemporains, qu’ils soient critiques ou écrivains (et parfois les deux): il y a le « héros » (épique), et l’anti-héros (romanesque, littéraire). Le héros épique était en symbiose avec les valeurs de la société qui lui donnait naissance (Gilgamesh, Hercule, Ulysse, etc.: ces types-là étaient courageux, généreux, etc.) et l’anti-héros, création de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle, et associé à l’avènement de la société capitaliste et à la Révolution industrielle. L’anti-héros romanesque n’est PLUS en symbiose avec la société. Au contraire – et c’est en cela qu’il est « anti » – il s’OPPOSE à la société, et poursuit des valeurs en décalage (en gros, dans une société saine, traditionnelle, il aurait été un héros, mais attendu que tout est cul-par-dessus-tête, il devient un « ANTI-héros »). C’est le cas de Rastignac, de Julien Sorel du Rouge et le Noir, d’Etienne Lantier dans Germinal, des protagonistes de Sartre, de Blondin, ou des durs à cuire comme les privés héros de Dashiell Hammett. Les héros « épiques » ne se retrouvent plus que dans des genres très mineurs ou pas littéraires du tout comme les superproductions hollywoodiennes. Pourquoi? La raison en est très simple: comme chez le héros épique de l’Antiquité, le héros hollywoodien porte les « valeurs » de la société. Autrement dit: il est l’expression du politiquement-correct. C’est totalement inintéressant, en ce qui me concerne, et même assez horripilant.
Permaliens
Merci pour votre analyse historique très intéressante ! Je trouve tout de même dommage que vous tiriez un trait sur tout ce qui n’est pas de la « littérature » (je suppose que vous parlez de littérature blanche ou classique, puisque même Harry Potter ne trouve pas grâce à vos yeux).
Cet article parle de la création d’histoires au sens large. Je ne vois pas de raison d’enfermer la Littérature avec un grand L à l’écart, puisqu’on retrouve des schémas scénaristiques similaires dans tant d’autres médias.
Permaliens
Ce qu’écrit EWatier est rigoureusement exact, mais il ne faudrait pas passer sous silence que cette analyse qui a effectivement influencé non seulement la façon d’enseigner le romanesque mais encore de l’écrire est intégralement et exclusivement d’Emmanuel Legeard et qu’on peut retrouver dans son bouquin Le Narrataire (Presses Universitaires de Lille). Quant à Harry Potter, étant donné que Mme Joanne Rowling a pour Emmanuel Legeard la plus grande considération, je n’y vois certainement aucune contradiction.